Les risques du crowdfunding immobilier

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Il existe deux types de crowdfunding immobilier : l’investissement dans la promotion ou rénovation immobilière (appelé aussi crowdbuilding) et l’investissement à but locatif. Ce dernier n’a toujours pas de cadre réglementaire car le principal risque de ce type d’investissement est la responsabilité illimitée de l’investisseur bien au-delà de la somme investie.

Je vais donc m’intéresser à l’investissement dans la promotion immobilière. Le crowdfunding immobilier offre un rendement moyen autour de 10% (brut avant imposition) sur une durée relativement courte qui est de 17 mois en moyenne, comme le montre le baromètre du crowdfunding immobilier HelloCrowdfuding édité en partenariat avec crowdlending.fr. En contrepartie de ce taux alléchant, il y’a des risques. Le promoteur va prendre un maximum de risques au début du projet de promotion immobilière (études techniques, purge du permis de construire, obtention des garanties, lancement de la commercialisation etc…) .

Le crowdfunder, quant à lui, intervient en cours de projet quand ce dernier est censé être bien sécurisé, les risques sont alors plus faibles, mais ils existent bien. Quels sont ces risques et comment les plateformes les analysent-elles ?

Il y’a les risques liés au projet lui-même, mais aussi les risques liés à l’environnement du projet, au promoteur, aux titres financiers.

 

Les risques liés au projet immobilier

Les risques liés au projet immobilier sont opérationnels, techniques, juridiques, commerciaux et financiers.

Le risque opérationnel est le retard opérationnel dans la réalisation des travaux (faillite d’un corps de métier, accident de chantier). L’analyse de l’historique des entreprises travaillant sur le chantier permet de réduire ce risque.

Le risque technique concerne les études des sols et des fondations et les études thermiques et acoustiques. L’étude des sols sert à connaître la nature du sol et du sous-sol, le taux de travail du sol et la présence éventuelle d’eau. En fonction du rapport du bureau des sols il faudra choisir le bon type de fondations (fondations normales, puits, pieux). L’analyse technique porte sur l’existence de ces études et sur les choix techniques du promoteur suite à ces études. Ces choix doivent être pris en compte dans le budget de l’opération.

Le risque administratif et juridique concerne l’obtention du permis de construire purgé de tout recours et l’obtention des assurances. L’analyse juridique porte sur les autorisations administratives (le permis de construire et les servitudes), les titres de propriété, les contrats de vente (les actes notariés et les contrats de réservation), les contrats de crédits bancaires, les contrats des assurances (GFA – Garantie Financière d’Achèvement, DO – Dommage Ouvrage, TRC – Tous Risques Chantier).

Le risque commercial désigne le retard sur la vente des lots. Pour qu’un projet soit proposé sur une plateforme, sa commercialisation doit être supérieure à 50% (en chiffres d’affaire). L’analyse commerciale recense le nombre de lots vendus, la nature des logements restant à vendre et la qualité de l’emplacement. Une étude de marché peut être réalisée.

Le risque financier est notamment le risque de dépassement du budget. L’analyse financière porte sur le bilan de promotion, l’origine de la marge, le plan de trésorerie.

 

Les risques liés à l’environnement

Les risques liés à l’environnement du projet sont les risques climatiques (inondation, gel, tremblement de terre), les risques macroéconomiques (évolution des prix immobiliers et des taux d’intérêts) et les risques législatifs (modification de la fiscalité, la réglementation, les normes). Ces risques sont par nature difficiles à contrôler, mais une analyse macroéconomique permet de les anticiper.

 

Les risques liés au promoteur

Les risques liés au promoteur et à sa société mère sont principalement les difficultés financières de celle-ci et ses difficultés à réaliser une opération immobilière.

Les plateformes de crowdfunding immobilier analysent alors l’expérience des dirigeants (nombre de lots livrés au total, nombre de lots livrés annuellement, nombre d’années d’expérience) et les références de la société mère (qualité des programmes précédents, recommandation, réputation, qualité des documents).

Elles analysent également la structure du capital, l’organigramme opérationnel, le bilan (actif, endettement) et les fondamentaux financiers (solvabilité, rentabilité, liquidité, ratios) de la société mère.

Enfin elles vont mettre en place une garantie à première demande (GAPD) par la société mère.

L’ensemble de ces risques sont analysés avant la phase de financement sur la plateforme, par une équipe d’experts (professionnels de l’immobilier, de la promotion, du financement, du droit etc…).

 

Les risques liés aux titres financiers

Les risques suivants ne sont pas liés à l’activité de promotion immobilière mais au véhicule financier mis en place pour le projet. L’investissement dans des titres non côtés (obligations, actions) présente des risques de perte totale ou partielle des intérêts ou du capital. Il présente également des risques d’ illiquidités: les sommes investies ne sont pas liquides, la revente des titres n’est pas garantie. Enfin l’émetteur ne faisant l’objet d’aucune notation, il y’a un risque sur l’émetteur (défaut de la société interposée).

 

Les risques liés à la plateforme

Et justement n’oublions pas les risques liés à la plateforme. La majorité des plateformes se rémunèrent lors de la collecte, soit sur le promoteur, soit sur l’investisseur, soit sur les deux. Les intérêts entre les plateformes et les investisseurs manquent d’alignement sur le plan financier. L’industrie du crowdfunding immobilier étant jeune, nous manquons de recul sur le business model et la solidité des plateformes. Que se passera-t-il pour les investissements en cours en cas de disparition de la plateforme ?

 

Le bilan des problèmes à date

Quel est le bilan des problèmes rencontrés jusqu’ici sur les projets ? Le seul projet remboursé ayant connu un incident ne permettant pas de verser le rendement annoncé est le projet Seven Heaven à Agde, co-financé par les plateformes Lymo.fr et Wiseed. Le taux prévu était de 10% et le taux réel a été de 6.1%. Malgré l’échec du plan initial (réalisation de maisons individuelles), le promoteur Lymo a su trouver une alternative (revente du terrain). Au final les 6.1% restent malgré tout intéressants.

Il existe un autre projet en retard pour lequel il faut s’attendre un taux plus faible que prévu, il s’agit de La Poste Migennes, financé par Wiseed. Le retard viendrait de la commercialisation plus longue que prévue.

Plusieurs autres projets ont connu des retards (fortes intempéries hivernales, mise en redressement judiciaire d’entreprises intervenant sur le chantier, désistement d’acquéreurs, etc…), mais jusqu’à présent ces retards sont maitrisés. L’activation de la prolongation de l’emprunt obligataire devrait permettre de servir le taux attendu.

Il va de soi que les plateformes ont tout intérêt à suivre le déroulement des projets de près et à produire un reporting de qualité si elles veulent gagner la confiance de l’investisseur et le fidéliser. N’oublions pas que le véritable succès du crowdfunding immobilier ne se mesure pas aux montants collectés mais bel et bien aux montants remboursés. A l’heure où je rédige cet article, 25 projets ont été remboursés à hauteur de 8.2 millions d’euros.

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