Les plateformes de crowdlending ont-elles encore besoin des prêteurs particuliers ?

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La liste des investisseurs institutionnels s’intéressant au crowdlending ne cesse de s’allonger. L’actualité récente de l’écosystème français ne fait que confirmer cette tendance. Dans ce contexte, certains prêteurs particuliers de la première heure s’interrogent. Les particuliers ne risquent-ils pas de se trouver supplantés par les institutionnels sur des plateformes de (crowd)lending ?

 

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L’institutionnel : un investisseur presque idéal

 

Les institutionnels présentent indubitablement de nombreux avantages pour les plateformes.

Lorsqu’un investisseur institutionnel s’engage aux côtés d’une plateforme, il le fait généralement au moyen d’un fonds géré par une société de gestion. Ces fonds constituent des poches de liquidités significatives dans lesquelles les plateformes peuvent puiser pour financer leurs prêts. Ainsi, grâce à un seul accord, Lendosphere s’est assurée une promesse d’investissement de 5 à 10 millions d’euros sur 5 ans par d’Allianz.

Ces montants permettent aux plateformes de changer d’échelle. Par exemple, des plateformes comme WeShareBonds, Lendix ou Lendosphere, qui ont su se rapprocher des institutionnels, ont tendance à émettre des prêts de taille plus importante comparés à la moyenne du marché.

La collaboration entre plateformes et institutionnels va cependant au-delà de l’aspect financier. Travailler avec des institutionnels est aussi un moyen pour les plateformes de renforcer leur offre de valeur. Le rapprochement de Credit.fr avec Tikehau est à ce niveau très parlant. Désormais, lorsqu’une entreprise se financera sur Credit.fr, elle accèdera par la même occasion à un partenaire gérant plus de 10 milliards d’actifs, capable de structurer des opérations de financements sophistiquées.

 

Les particuliers restent incontournables

 

Face à un tel constat, pourquoi ne pas se tourner exclusivement vers les institutionnels ?  À ce jour, aucune plateforme française de crowdlending ne semble s’engager dans cette voie. Pour Yoann Coumes-Gauchet, COO de WeShareBonds,

« le prêteur particulier, c’est l’âme du crowdlending ».

Ainsi, même une plateforme qui a tissé de nombreuses relations avec les institutionnels, ne conçoit pas d’abandonner sa communauté de particuliers.

Cette position se comprend aisément lorsque l’on considère ce qu’une communauté de prêteurs apporte à sa plateforme. Les particuliers sont des investisseurs extrêmement proactifs. Ils se prononcent aussi bien sur la qualité des projets que sur le fonctionnement des plateformes. Se priver d’une communauté de prêteurs, serait se priver d’une source inépuisable d’imagination et d’innovation.

Plus encore, ce sont les particuliers qui attirent les institutionnels. Selon Yoann Coumes-Gauchet

« Les institutionnels s’intéressent aux crowdlending parce qu’ils souhaitent investir aux côtés des particuliers ».

Autrement dit, les communautés de prêteurs décuplent l’attrait des plateformes pour les institutionnels.

 

Une cohabitation pourtant difficile

 

Les professionnels du crowdlending sont donc résolus à développer l’activité des particuliers et des institutionnels. Si l’intention est là, la mise en œuvre de cette stratégie est plus complexe qu’il n’y parait. Les institutionnels bouleversent en profondeur le fonctionnement des plateformes. Si cette transformation n’est pas savamment réfléchie, l’arrivée des institutionnels sur une plateforme peut aboutir à la marginalisation des particuliers par effet indirect. Deux cas, un américain, l’autre britannique, permettent d’illustrer cette complexité.

En 2013, la plateforme américaine Prosper s’est rapprochée des prêteurs institutionnels afin de relancer l’activité de sa plateforme. Pour investir les nouvelles liquidités offertes par ses partenaires institutionnels, Prosper a émis des prêts moins nombreux mais de taille nettement plus importante. Très vite les volumes de prêts sont repartis à la hausse. Paradoxalement, ce changement a eu un effet négatif sur l’activité des prêteurs individuels. En effet, les particuliers ont tendance à investir un montant fixe par projet. Ainsi, la réduction du nombre de projets proposés engendre une baisse d’activité côté particuliers. Autrement dit, la relance de Prosper grâce aux institutionnels a indirectement réduit l’investissement des particuliers.

Autre exemple, mais cette fois-ci outre-Manche. Face à l’appétit des prêteurs institutionnels, un acteur incontournable du crowdlending britannique, Zopa, a exploré des opportunités d’investissement plus originales. Ainsi en 2015, Zopa a annoncé la conclusion d’un partenariat stratégique avec Uber consistant à financer les conducteurs indépendants. Les risques liés à cette nouvelle activité étaient néanmoins difficiles à évaluer. Ainsi Zopa a fait le choix d’ouvrir ce nouveau type de projets aux seuls investisseurs institutionnels. Autrement dit, pour préserver les particuliers dans le cadre de son développement, Zopa les a exclus de certaines activités sensibles.

Ces exemples, peut-être anecdotiques, montrent à quel point il est complexe de faire cohabiter sur une même plateforme deux acteurs économiques aux stratégies si différentes.

 

Conclusion

 

Les plateformes de crowdlending ont et auront encore besoin des particuliers comme des institutionnels. Cependant, il serait naïf de croire que l’intégration des institutionnels peut se faire sans incidence. S’ils sont mal appréhendés, certains changements induits par les institutionnels peuvent aboutir à la marginalisation des prêteurs particuliers. Les professionnels français sauront à n’en pas douter gérer ce risque. D’autant plus que l’étude des acteurs anglosaxons, qui ont déjà surmonté ces défis, évitera bons nombres d’écueils aux plateformes hexagonales.

 

On en parle sur le forum ?  Particuliers Vs institutionnels : Opposés ou Complémentaires ?
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Une réponse à “Les plateformes de crowdlending ont-elles encore besoin des prêteurs particuliers ?”

  1. Morgan

    Ce qui manque c’est de la transparence, car les plateformes ne communiquent pas sur la part de ces institutionnels VS les particuliers.
    On s’interroge d’ailleurs sur les conditions particulières que peuvent obtenir ces institutionnels vis à vis des souscriptions classiques de particuliers.

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