Interview Frédéric Lévy Morelle – Look&Fin – 12 avril 2016 à 20h15

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J’ai eu le plaisir d’échanger avec Frédéric LEVY MORELLE, fondateur de Look&Fin, mardi 12 avril 2016 à 20h15. Ce fut aussi l’occasion pour les lecteurs de ce blog de lui poser leurs questions sur la plateforme mais aussi sur le marché du crowdlending en général. Vous pouvez visualiser le replay

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Nicolas Lesur (Unilend) le 8 mars 2016

Vincent Ricordeau (Lendopolis) le 9 février 2016

Thomas de Bourayne (Credit.fr) le 12 janvier 2016

Olivier Goy (Lendix) le 9 novembre 2015

Retranscription écrite de l’interview

M : Voilà, ça y est ! Bonjour Frédéric !

F : Bonjour Mathieu !

M : Alors, tu es en Belgique là ?

F : Là, je suis à Bruxelles. Oui, oui, je suis en Belgique.

M : À Bruxelles. Alors, bienvenue sur cette petite interview. Alors, c’est vrai que Look & Fin, c’est une plateforme qui est encore, je pense, peu connue en France. Vous avez des particularités donc ça va être intéressant d’en parler. Est-ce que tout d’abord, tu peux nous dire qui tu es ? Et puis après, nous faire un petit état des lieux de qui est Look & Fin.

F : Alors, donc, moi, personnellement, Frédéric Levy Morelle, je suis diplômé d’une école de commerce en Belgique. J’ai travaillé dans des fonds d’investissement auprès des private equity, dans des fonds de type fonds d’amorçage ou fonds qui s’occupent de transmission d’entreprise, donc, qu’on appelle LBO. J’ai travaillé dans ce type de fonds d’investissement durant 7 années et j’ai fait un certain nombre de constats lors de cette expérience précédente. Et donc, partant de là, j’ai lancé en 2012, après plus de 18 mois de réflexion et de discussion avec notre régulateur belge, j’ai lancé Look & Fin en 2012. Donc, Look & Fin est une plateforme de crowdlending européenne, qui s’adresse à des TPE et PME qui sont à la recherche de financement. Et, on les accompagne dans la structuration de financement auprès des particuliers. Donc, par le biais de la plateforme, ces entreprises empruntent auprès des particuliers. Après près de 4 années d’activité, on a structuré environ 7 millions d’euros de financement pour une cinquantaine de dossiers.

M : 7 millions, une cinquantaine de dossiers, d’accord. Finalement, vous avez été créé avant la première plateforme française alors, avant Unilend !

F : Oui. Alors, en fait, quand on s’est lancé en 2012, on parlait très très peu de crowdfunding, et pour ainsi dire, pas du tout de crowdlending. Et donc, moi, j’avais plutôt une vocation qu’on appelle equity, donc j’avais plutôt une expérience en tant que venture capitalist, en tant qu’investisseur en private equity, plutôt une expertise pour investir dans le haut du bilan, donc, en capital. Et, pour toutes sortes de raisons que je pourrais expliquer éventuellement un peu plus tard, mon positionnement était dès le départ d’adresser des besoins d’entreprises, non pas start-up en forte croissance, mais plutôt des petites et moyennes entreprises avec une certaine récurrence dans leurs activités. Et, je suis parti du principe que le prêt se prêtait beaucoup plus à ce type d’exercice, et parlait plus à l’épargnant lambda qu’à un investissement capital qui est très particulier, notamment en terme d’exit et en terme d’horizon d’investissement, et de rendement qui finalement est relativement risqué, en tout cas, plus risqué que le lending. Et donc, dès le départ, notre positionnement était de faire du prêt. Il faut savoir qu’en Belgique, il y a l’une ou l’autre plateforme à côté de Look & Fin, et elles font plutôt du crowdfunding sous forme de capital ou voire, elles mélangent les gens entre du capital et du prêt. Nous, notre positionnement était dès le départ du prêt et exclusivement du prêt. Ça peut paraitre très, comment dire, limpide quand on regarde ça avec du recul aujourd’hui et en observant le marché français, mais en 2012, personne ne faisait cela en Europe, quasiment personne.

M : D’accord. Et du coup, quand vous alliez vous lancer, c’était déjà régulé en Belgique ou vous vous êtes lancé assez facilement ? Ou, il a fallu faire des choses avec les régulateurs ? Comment ça s’est passé ?

F : Donc, en fait, la loi n’était absolument pas appropriée pour ce type d’activité. Donc, quand je vous disais tout à l’heure que j’ai mis plus d’un an avant de lancer l’entreprise, on a discuté environ 1 an et demi avec notre régulateur belge qui s’appelle FSMA, qui est l’équivalent de l’AMF en France, tout simplement parce que le cadre régulatoire n’était pas approprié pour ce qu’on s’apprêtait à faire. C’était très très contraignant. Il y avait bien des statuts des agréments de type établissement de crédit, établissement de paiement ou conseiller en investissement, PSI entre autres, ces agréments qui provenaient de directives européennes, mais qui étaient finalement très très lourds et très contraignants pour le type d’activité que nous souhaitions lancer. Donc, on n’a pas été régulé, par contre, on a obtenu l’accord de notre régulateur qui nous a audités, qui a bien compris ce qu’on s’apprêtait à faire, et on a obtenu leur aval avant de lancer nos activités.

M : D’accord. Et, il y a de la concurrence aujourd’hui en Belgique ? Il y a d’autres plateformes qui font du prêt ou c’est vraiment que de l’equity, ou equity plus prêt ? Enfin, vous avez un concurrent direct ou pas du tout ?

F : Alors, il y a un concurrent… En fait, plutôt que de parler de prêt ou d’equity, il a plutôt un positionnement start-up, et il adresse les besoins de ces start-ups, soit en equity, soit en prêt, ce qui n’est pas toujours très approprié, parce que faire du prêt à une start-up qui n’a pas de capacité de remboursement, ce n’est pas toujours évident. Donc, il a plutôt ce positionnement start-up qu’il adresse soit avec de l’equity, soit avec du prêt. Mais en terme de crowdlending en tant que tels, et en tenant compte des dossiers en crowdlending qui prennent vie sur cette plateforme, on représente environ 80 à 85 % du marché belge avec nos volumes sur Look & Fin.

M : D’accord. Et, vous financez des projets, des projets maintenant en France, ça on le voit depuis cette année ou l’année d’avant, je ne m’en souviens plus ?

F : Depuis avril 2015. Ça fait un an.

M : C’est ça. Et vous allez aussi dans d’autres pays européens ?

F : Alors, en fait aujourd’hui, on finance des entreprises qui sont, soient belges, soient françaises, parce qu’on a les accords des régulateurs belges et français pour ce faire. Par contre, nos prêteurs sont déjà européens, c’est-à-dire qu’un membre sur quatre aujourd’hui chez Look & Fin n’est ni Belge ni Français, il est Néerlandais, Luxembourgeois, Suisse entre autres, et l’objectif est bien entendu d’ouvrir d’autres pays européens dans les mois qui viennent.

M : D’accord. D’autres pays ! C’est-à-dire, vous en avez plusieurs en vue…

F : Oui. En fait, nous, on raisonne en termes de langue. Donc, l’objectif est de développer deux langues additionnelles dans les mois qui viennent, sachant que la plateforme est déjà disponible en deux langues. Mais tout ça dépend notamment de questions qui sont cruciales dans ce type d’activité.

M : Donc, ça veut dire, une orientation plutôt vers les pays du Nord, si je comprends bien.

F : Pas forcément. Il y a des implications régulatoires, il y a des implications en termes de, également, de fiscalité, et puis de culture bien évidemment. Et donc, pour l’instant, on regarde différents pays. On ne s’est pas encore arrêté sur deux ou trois pays en particulier, sachant que la Hollande, on devrait pouvoir y arriver dans les mois qui viennent, relativement facilement, parce qu’aujourd’hui, c’est une langue qu’on maitrise en interne. Mais, on aura donc deux langues additionnelles dans les mois qui viennent, et les marchés en question ne sont pas encore arrêtés à ce stade.

M : D’accord. Puisqu’on est sur Look & Fin, est-ce que tu as commencé tout seul ? Tu as des associés ? J’ai entendu parler de Dominique, notamment, qui a une expérience un peu marrante et qu’on peut souligner parce que c’est quand même intéressant.

F : Pour répondre à ta question, moi, je me suis lancé avec une société qui gère des fonds d’investissement, donc en 2012, et nous ont très vite rejoint dans l’aventure, un investisseur, enfin deux investisseurs Français aujourd’hui, mais progressivement, on s’est lancé en juin 2012, l’un en décembre 2012, donc très rapidement, et le second, un peu plus tard. Donc, aujourd’hui, l’actionnariat est déjà en grande partie français, un apport français et belge, et Dominique est venu nous rejoindre début de l’année passée. Donc, il faut savoir que moi, j’ai donc un profil très financier. D’autres confrères, d’autres plateformes se sont lancées plutôt avec des compétences marketing. Nous, on a vraiment une autre approche. On avait initialement une très financière, de qualité et réellement d’analyse des dossiers. Et, donc ma faiblesse était plutôt l’aspect marketing, acquisition de… démocratisation de l’enseigne, si vous voulez, avoir une approche mass-market. Et donc, c’est en cela que Dominique est venu compléter l’équipe. Donc, Dominique, lui, a un profil d’entrepreneur. Il est l’un des fondateurs des GrosBill en France, et puis, il a également travaillé dans des entreprises et fondé une entreprise comme Yakarouler et plus récemment une entreprise suédoise active dans la signature électronique. Et donc, lui vient compléter mes compétences avec un savoir-faire notamment digital et IT.

M : D’accord. Juste pour préciser, est-ce que GrosBill, c’est vrai que ce n’est pas forcément une forte notoriété, mais c’était quand même un concurrent, je ne sais pas, de Rue du Commerce ou de Pixmania, plus connu en France. Et je crois que ça a été vendu, il me semble à Auchan, si je ne trompe pas.

F : Exactement. Donc, c’est une entreprise qu’il a menée, en tant que fondateur et directeur général, jusqu’à un volume d’activité de 80 millions d’euros, qui a été ensuite cédée au groupe Auchan, et qui était recédée, une seconde fois au PULP récemment.

M : Donc, il y avait Yakarouler qui est connue dans la vente depuis…

F : Yakarouler qui a le même modèle, le même business model, mais pour les pièces automobiles.

M : D’accord. Donc, en effet, une expérience intéressante en acquisition et en marketing en tout cas.

F : Voilà. Exactement.

M : Très bien. Alors, puisqu’on est sur la plateforme, alors, tu l’as bien dit, et c’est ce que, pour moi, il ressort. Tout à l’heure, même pour annoncer cette interview, je parlais de la plateforme à zéro défaut, alors, finalement, tu me dis que ce n’est pas vraiment zéro défaut, mais ça reste plutôt un taux faible au regard de l’antériorité de la plateforme ? Moi, j’aurais bien appuyé sur ce point-là, et je pense que ça va intéresser nos auditeurs, c’est qu’est-ce qui ferait selon toi que vous ayez un taux de défaut inférieur aux autres, notamment aux plateformes françaises actuelles, est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ? Enfin, vous avez une grosse équipe d’analyse ou autre, je ne sais pas du tout sur quoi tu peux…

F : En fait, on est très rigoureux dans notre approche et dans notre sélection des dossiers. On a développé ces quatre dernières années certaines coupes d’apprentissage en termes de sélection des dossiers. Comme je disais, initialement, moi, j’ai un profil financier, donc, ça m’a permis dès le départ de réaliser une bonne sélection. Alors en terme de taux de défaut pour compléter ce que tu disais, on est bien, j’ai vu que tu annonçais zéro défaut, on est bien à zéro défaut sur les 24 derniers mois. On a par contre, en toute transparence, un dossier qui a posé, qui pose question, qui n’est pas encore une perte pour les prêteurs, mais qui pose une question, donc, on a provisionné dans nos statistiques. Et donc, ce montant représente environ, le taux de défaut est aujourd’hui de l’ordre de 0,6 %, voilà. Donc, 0,6 % sur 7 millions collectés, et sur un historique commercial de près de 4 années maintenant. Ce qui permet, en effet, d’en faire un critère de différenciation par rapport à nos confrères, notamment en France qui ont un taux de défaut, pour la plupart d’entre eux, supérieur, et qui pourtant, ont une durée à un historique moins longue. Alors, qu’est-ce qui explique cette différence, et comment est-ce qu’on construit ce taux de défaut ? Il faut bien en comprendre, mais je pense que ce n’est un secret pour personne. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que dans la dynamique du crowdlending aujourd’hui, c’est que c’est une dynamique très jeune, c’est une activité et un marché qui se développe très fortement en France, notamment, mais qui est relativement jeune. Mais donc, ce qui veut dire que les plateformes essaient de se distinguer, de se différencier les unes des autres avec les metrix, avec les statistiques qu’elles ont à leur disposition. Et aujourd’hui, je le lis avec beaucoup de plaisir tous les mois dans ton baromètre, aujourd’hui, ces plateformes se distinguent essentiellement sur le montant total collecté. Et, on a une impression comme ça, d’une fuite en avant, et la première plateforme est celle qui collecte le plus de montant. Nous, avec un petit peu de recul, et maintenant 4 années d’activité, on se rend compte, mais on en est conscient depuis notre tout premier jour de notre activité, la difficulté dans ce métier, c’est de faire du volume, partir pour faire du volume pour exister d’un point de vue visibilité et également d’un point de vue financier, puisqu’il faut faire du volume pour être rentable, dont notre rémunération en dépend, mais il faut également faire de la qualité. Et, la difficulté dans ce métier, la « difficulté » entre guillemets ou le challenge auquel sont confrontées ces plateformes, c’est d’avoir un habile équilibre entre ce volume sans que ce soit au détriment de la qualité. Alors, nous, on en est conscient depuis le départ, on a réalisé une croissance progressive pour nous mener à nos 7 millions d’euros aujourd’hui dont environ 1,7 million sur le premier trimestre 2016, donc, toujours avec une croissance soutenue. Mais il faut que cette qualité soit au rendez-vous, parce que finalement, à terme, le TPA est vraiment l’indicateur de qualité que vont regarder nos prêteurs, c’est plus que le montant collecté, c’est le taux de défaut.

Alors, comment est-ce qu’on le maitrise ce taux de défaut aujourd’hui ? On a mis en place un système de sélection qu’on maitrise essentiellement en interne. Donc, on fait appel à d’autres bases de données et à des outils de scoring externes pour faire une première sélection, et donc éliminer une partie des dossiers qui nous sont soumis, parce que bien entendu, on nous soumet plusieurs centaines de dossiers par mois, et il faut pouvoir faire le tri, un premier tri dans ces dossiers. Donc, on a une première sélection industrialisée et automatisée grâce à la plateforme qu’on a développée. Mais ensuite, très rapidement, lorsque le dossier a passé cette première étape, on alloue systématiquement un analyste sur les dossiers qui ont atteint cette étape-là dans notre analyse. Et, l’analyste va réaliser une sélection du dossier, une sélection qui va être dans un premier temps, financière, donc, on va vraiment aller dans le détail, et réaliser ce qu’on appelle en finance une « due diligence », donc, une forme d’audit d’un point de vue financier sur les 3 – 4 derniers exercices réalisés. On va, dans tous les cas, demander une situation intermédiaire qui va nous permettre de juger de l’évolution actuelle ou toute récente de l’évolution de l’activité, et ensuite, on va faire un exercice nous-mêmes de projection financière. Au-delà de ces aspects financiers, on va également avoir une approche qui, en fait, a été inspirée de mon expérience en private equity, une approche qui va être d’évaluer l’équipe, le management, le business model, les éventuels avantages compétitifs, avec une approche également macroéconomique, donc marché, etc. Tout cela va permettre finalement à l’analyste de monter un dossier qu’il va présenter auprès d’un comité de sélection chez nous, et c’est ce comité de sélection qui va prendre une décision collégiale de sélectionner ou non le dossier. Et s’il décide de sélectionner, de nous proposer des conditions de financement, on y reviendra. Et donc, pourquoi est-ce qu’on procède de la sorte ? Tout simplement parce que d’autres confrères, d’autres plateformes en France, mais également dans d’autres pays, notamment en Belgique, alors, ces plateformes-là, elles font absolument du volume, et elles essaient de faire également de la qualité, et donc comment est-ce qu’elles font cela ? Elles interrogent les bases de données tierces, donc elles ont recours à des plateformes ou des outils de scoring, mais qui finalement ne sont, selon nous, pas suffisants, parce que ces outils, généralement, se basent… Alors, d’abord, pour les entreprises qui ne déposent pas leurs comptes parce qu’en France, c’est obligatoire de déposer ses comptes, mais finalement peu d’entreprises le font. Et, donc, l’information manque et quand l’information existe, elle est généralement, relativement ancienne, ce qui, dans notre métier, est très pénalisant parce qu’avoir des comptes vieux de 9 à 12 mois, c’est une éternité pour les entreprises que nous sélectionnons. Et donc, on part du principe qu’il est indispensable de mener une analyse en interne par des experts, des analystes qui ont cette compétence, et qui sont multidisciplinaires, qui peuvent à la fois structurer des dossiers à la fois dans l’immobilier, mais également analyser une entreprise dont la technologie est issue du CERN, par exemple, pour vous donner un exemple du profil de nos analystes. Et, ces analystes vont quasi systématiquement rencontrer physiquement le candidat emprunteur, et idéalement sur le lieu de production, donc dans l’entreprise qui souhaite emprunter ou structurer un financement. Ce qui nous permet d’avoir réellement une analyse complète, et donc de finalement maitriser autant que possible le taux de défaut qui en découlera.

M : J’entends bien tout ce que tu me dis. Mais, alors, dans le modèle économique, ça me surprend même si, en effet, c’est certainement ce qu’il faut faire, et moi, j’apprécie le fait de faire des projections comme tu as dit tout à l’heure, d’ailleurs, on se rapproche de l’equity quand on fait ça, qui est un point positif. Mais dans le modèle économique, je dirai, le modèle des plateformes est basé sur peu d’effectifs, et j’ai le sentiment que si on écoute ce que tu fais, ça prend énormément de temps, rencontrer les gens, ça prend énormément de temps, et je dirais, est-ce que vraiment, on peut un jour, être rentable là-dessus, sans trop ressembler à une banque parce que c’est assez similaire de ce que font les banques !

F : Alors, aujourd’hui, on a une analyse qui se rapproche de ce que font les banques, mais finalement, est une approche quand même relativement différente. Donc, comme une banque, on va regarder des ratios financiers comme la liquidité et la solvabilité, par exemple, mais on ne va pas se limiter à cela. Donc, on va également avoir une approche, et dans notre analyse de risque et dans notre rectiligne de risque qui va de A à E que nos prêteurs connaissent bien, on a un aspect pondération qui donne de l’importance sur les prévisions financières, et pas uniquement sur l’historique. Ça, c’est une chose.

M : D’accord !

F : Alors, par rapport à ta question qui est tout à fait pertinente sur le business model et la pérennité de notre business model, aujourd’hui, l’un de nos arguments, et vis-à-vis des emprunteurs qu’on rencontre, et l’un de nos avantages qu’on leur propose, c’est notre réactivité par rapport aux banques. Donc, il faut qu’on soit réactif, et que l’entreprise quand elle est de qualité et qu’elle est sélectionnée chez nous puisse soutenir le plus rapidement possible ses fonds, plus rapidement qu’auprès de sa banque. Auprès de sa banque, on a mené en Belgique une enquête sur environ sur 2 000 entreprises récemment, il en est ressorti que dans plus de 60 % des cas, ça a mis plus d’un mois pour obtenir le financement souhaité. Chez nous, on analyse et on réalise tout ce streaming et cette sélection dont je viens de parler, en moyenne, entre 5 et 7 jours ouvrables. Et, donc, si on reste dans cette productivité là, entre 5 et 7 jours ouvrables, ça nous permet de dégager une certaine rentabilité, et l’objectif est de pouvoir diminuer ce délai pour le porter à, en moyenne, 3 à 4 jours ouvrables dans les mois qui viennent. Sachant qu’aujourd’hui, il faut faire du volume pour exister, et donc, on est sur… en vitesse de croisière, là actuellement, on structure entre 500 et 1 million d’euros de financement par mois. Et, notre modèle nous permet de réaliser cela en autofinancement. Contrairement à d’autres plateformes, les principales plateformes françaises qui ont déjà réalisé des taux de table significatifs et structuré des montants importants, nous, depuis 4 années maintenant, on a, jusqu’à présent, fonctionné quasiment en autofinancement. Donc, ça démontre bien qu’on peut faire de la qualité en ayant bien entendu la productivité à l’esprit, en gardant la notion de productivité à l’esprit, mais en autofinancement, c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

M : Alors, je comprends… Tout à l’heure, tu disais, et bien voilà, nous, on rencontre, alors tu n’as pas dit systématiquement, tu as bien dit, presque systématiquement les emprunteurs. Alors, c’est vrai que nous, c’est un reproche que certains font, notamment, sur le forum aux plateformes françaises en disant on ne rencontre pas les dirigeants. En même temps, ce n’est pas un truc qui n’est pas tenable à terme ! Enfin, vous êtes en Belgique, alors vous avez peut-être un bureau à Paris, mais, quand vous allez avoir des emprunteurs à Marseille, vous n’allez pas voir tous les emprunteurs à Marseille, et puis à Bordeaux, et ainsi de suite. Ça ne va pas être possible à long terme !

F : Tu as entièrement raison. Tu as fait bien de remarquer ce que je t’avais dit : « presque systématiquement ». Donc, dans certains cas où ce n’est pas faisable parce que l’entreprise est basée dans le sud de la France, par exemple, ou à Marseille, on a financé une comme cela, récemment, dans ce cas-là, on fonctionne via Skype. Et, donc, on ne se rend pas sur place, mais ça n’empêche qu’on réalise une due diligence qui nous permet quand même d’avoir un bon aperçu de la qualité du management et de l’entreprise.

M : D’accord. Avant de passer au côté « prêteur », j’aimerais juste… parce qu’en plus on a une question de Max Vanaud là qui nous demande : « Les critères de sélection ne permettent pas, si je comprends bien, d’accepter le dossier d’une nouvelle start-up ! » Alors, justement, ça permettrait de voir quelles sont vos critères aujourd’hui : année d’ancienneté, quel type de société vous analysez ou pas, enfin, quelles sont vos conditions d’éligibilité déjà ?

F : Alors, nos critères d’éligibilité sont les suivants :

— On regarde les entreprises qui ont un minimum historique commercial de 3 années, donc on ne regarde pas, on n’analyse pas, malheureusement, on ne peut pas répondre aux besoins des entreprises qui ont moins de 3 années d’existence. Donc, de facto, ça élimine les start-ups qui viennent tout juste de se lancer. Premier critère d’éligibilité.

— Second critère d’éligibilité, on finance des entreprises qui ont un chiffre d’affaires minimum, on parle de 300 000 euros pour les services, et d’environ 1 million d’euros pour les produits. Et, c’est le minimum, c’est le pré requis minimum.

— Et puis, on parle d’entreprises qui ont des capacités de remboursement, donc, qui sont rentables, qui réalisent un EBITDA positif, donc, un résultat d’exploitation positif, qui sont rentables, et qui sont en mesure d’honorer à périmètre constant de leurs engagements.

— Et finalement, on structure des financements qui oscillent entre 100 000 et 500 000 euros par le biais de Look & Fin. Donc, on finance de moins en moins, pour pour ainsi dire, plus du tout, des entreprises qui recherchent un montant inférieur à 100 000 euros.

M : D’accord. Vous êtes plutôt sur du gros ticket.

F : On est plutôt sur un panier moyen, sur le premier trimestre 2016, donc, sur les trois derniers mois, notre panier moyen approche tout doucement les 200 000 euros.

M : Et je crois que vous venez de faire votre record de financement, il me semble le mois dernier, 400 000, c’est ça, non ?

F : Il y a quelques semaines 400 000 euros pour une entreprise française Initia Food. On a structuré 400 000 euros en un peu moins de 36 heures, et donc, on s’apprête à lancer un financement pour 500 000 euros dans les toutes prochaines semaines.

M : D’accord. Juste pour revenir sur l’autofinancement. Ça veut dire qu’avec le volume actuel, vous êtes sur un point d’équilibre, presque au point d’équilibre !

F : C’est ça. Donc, on est aujourd’hui, on bootstrap, hein, en quelque sorte ! Donc, on est vraiment dans une dynamique encore relativement entrepreneuriale. Et, aujourd’hui, on développe cela en autofinancement. Petite chose aussi que je souhaitais préciser par rapport aux montants qu’on structure actuellement, et je pense que c’est important de le préciser, c’est sans institutionnel. Donc, 100 % de nos montants collectés sont souscrits par des particuliers.

M : On va revenir là-dessus, sur le côté prêteur justement, parce que j’avais des questions par rapport au forum et puis on a déjà une question. Je reviens encore sur l’autofinancement parce que ça me surprend parce qu’en France, on parle de 100 millions levés afin d’être tout juste rentables. Donc, là, vous, vous êtes à, si je comprends bien, 1 million, à la fin de l’année, ça va faire peut-être 10 millions sur 2016. Et vous facturez quoi à l’emprunteur ?

F : Alors, ce qu’on facture, c’est 2 000 euros de ce qu’on appelle un « setup fee ». Donc 2 000 euros de frais de dossier, plus 4 % des fonds collectés. Donc, en moyenne, on se situe en fonction du montant collecté, entre 4,5 et 6 % des montants collectés. C’est un fee, c’est une commission qui est due au moment où on lève les fonds, donc, qui est due à la libération des fonds. Et, ensuite, il n’y a plus de commission qui s’applique. Je sais qu’il y a certaines plateformes qui appliquent un pourcentage sur le solde restant dû, etc., et qui lissent comme ça leur rémunération. Notre rémunération est perçue dès le départ par rapport à la rentabilité dont on parlait un instant, et tu as eu une bonne remarque, il est clair aujourd’hui, notre objectif pour 2016, c’est de réaliser entre 16 et 20 millions d’euros financés sur l’année. Donc, ça suppose une croissance continue par rapport à ce qu’on réalise maintenant, c’est-à-dire une croissance mensuelle de l’ordre de 10 %. Et pour ce faire, il va falloir engager des frais, il va falloir investir, et renforcer nos équipes, et donc, sortir de cet autofinancement pour pouvoir se doter de moyens appropriés pour y parvenir. Donc, oui, on est aujourd’hui en autofinancement à périmètre constant, mais il est clair qu’on va se doter de moyens pour croitre plus rapidement. Il y a quand même une discrétion médiatique puisqu’aujourd’hui, on n’a pas les moyens d’Unilend ou de Lendix pour faire de la publicité à tout va, donc, c’est également une faiblesse. Donc, oui en autofinancement aujourd’hui à périmètre constant, et si on veut croitre davantage, il faudra se doter des moyens nécessaires.

M : Et aujourd’hui, l’équipe représente combien de personnes ? Tu peux nous faire un petit topo sur le nombre de personnes actif en les répartissant un petit peu : analyse, commerciaux…

F : On est 6 personnes, dont 3 analystes, 1 personne qui s’occupe de tout ce qui est community management, également 1 personne qui s’occupe de l’acquisition, donc on a une acquisition web digitale, notamment dirigée par Dominique. On a également une acquisition plutôt dans les canaux physiques : mise en place de partenariat, etc., et qui sont de la compétence et de la responsabilité de Patrick qui est basé à Paris.

M : D’accord. Alors, pour financer un emprunteur puisque j’ai vraiment envie de parler prêteur, côté prêteur… Là, j’ai Maxime qui demande : « Pourquoi certains projets empruntent 99 999 euros et non un chiffre rond, est-ce que c’est une limite règlementaire ? »

F : Alors, c’est une très bonne question. C’est vrai que vu de l’extérieur, ça peut paraitre curieux. En Belgique, comme dans les autres pays européens, on a une contrainte qui s’appelle « appel public à l’épargne » que vous connaissez peu en France parce que les seuils sont différents, et que les montants… le seuil est plus haut en France. Et, donc, pour faire simple, l’appel public à l’épargne, c’est quoi ? C’est lorsqu’une entreprise fait appel au public pour se financer, les directives européennes prévoient qu’il tombe dans ce qu’on appelle l’appel public à l’épargne, et de ce fait là, doit rédiger et publier un prospectus, un peu comme quand une entreprise fait une introduction en bourse, ce prospectus est couteux, doit être validé par le régulateur, etc. Donc, l’objectif dans le crowdlending, c’est d’éviter autant que possible ce prospectus parce que sinon, c’est très peu rentable, et très très cher pour l’émetteur. Donc, ça, c’est la règle générale. Une entreprise qui souhaite rechercher et collecter des montants auprès du grand public tombe dans cet appel public à l’épargne sauf s’il bénéficie de certaines exceptions. En France, si on se trouve en deçà du seuil de 1 million d’euros, on ne tombe pas dans ce fameux appel public à l’épargne, et la loi Macron prévoit de remonter ce plafond d’ailleurs. En Belgique, on atteint ce seuil dès 100 000 euros. Raison pour laquelle, certains dossiers se limitent à 99 999 pour être en deçà du seuil, et pouvoir éviter de tomber dans l’appel public à l’épargne.

M : D’accord. C’était une très bonne question Maxime, merci. Alors, j’aimerais qu’on discute un peu prêteur parce que vous avez un fonctionnement un peu marrant par rapport à la France. Enfin, si je comprends bien, honnêtement, je le dis là, mais c’est une plateforme que je ne connais pas bien, Look & Fin, je ne vous connais pas bien. On ne s’est jamais vu en vrai, contrairement à celles de la France. D’ailleurs, je t’ai vu de loin aux assises du financement participatif, mais je n’ai pas eu l’occasion de te parler.

F : Ah ! Il fallait venir me dire bonjour !

M : Ah, mais c’était dans la salle. La prochaine fois, on se verra ! Du coup, j’ai le sentiment qu’en fait, vous fonctionnez un petit peu à la manière des ventes privées. C’est-à-dire que vous informez les prêteurs à l’avance qu’à midi ou à 14 h, vous allez mettre un projet en ligne, et du coup, tout le monde se connecte pour prêter. Ce qui explique d’ailleurs ces temps record de levée puisque vous faites des choses en moins de 10 minutes assez régulièrement. Est-ce que j’ai bien compris, est-ce que c’est bien le cas ou non ?

F : En fait, on est un peu victime de notre succès. Donc, l’histoire, c’est que nos financements se clôturaient de plus en plus rapidement, et nos prêteurs n’avaient pas toujours l’occasion de participer au financement, ce qui générait une certaine forme de frustration. Et donc, pour palier à cette frustration, on a mis en place un système d’emailing et donc de teasing où on donne accès au dossier à tout le monde quelques heures ou 24 heures, jusqu’à 24 heures avant l’ouverture des souscriptions, et invitant ceux qui le souhaitent à se connecter au moment de la souscription. Et puis, c’est sur une base « premier arrivé, premier servi ». Et donc, c’est un peu comme ça que ça se passe, et aujourd’hui, malgré ce teasing, nos dossiers, ils sont toujours souscrits aussi rapidement, même de plus en plus rapidement, puisque maintenant, les derniers dossiers en 2016 ont été financés en quelques secondes. Donc, l’objectif, c’est également de segmenter notre base de données entre prêteur standard et prêteur premium, et donner une certaine exclusivité aux prêteurs premiums qui souhaitent faire partie de cette catégorie, pour pouvoir leur laisser le temps d’investir le montant qu’il souhaite autant que possible.

M : Ça veut dire quoi prêteur premium ? Ça veut dire qu’il faut payer quelque chose ? Comment on devient prêteur premium ? C’est un montant ? Quelles sont les conditions ?

F : Alors, le modèle économique de Look & Fin, donc, comme je vous ai dit tout à l’heure, on se rémunère à la charge des entreprises, et c’est entièrement gratuit pour les prêteurs, c’est également gratuit de devenir premium, et n’importe qui peut postuler pour devenir premium. Alors, qu’est-ce que ça implique de devenir premium ? En tant que premium, on vous demande de remplir un questionnaire, un peu comme un questionnaire MiFID, donc, plus light bien entendu, qui vous permet de renseigner vos critères d’investissement ou votre profil d’investisseur, le montant que vous souhaitez investir, etc. Ce qui nous permet, à nous, de pouvoir vous sélectionner dans notre base premium pour les dossiers qui répondent parfaitement à votre profil et à vos critères d’investissement. Sachant que ce n’est pas que vous êtes premium aujourd’hui que vous le serez pour le dossier suivant. C’est-à-dire qu’on a un groupe d’investisseurs premium, et on vient sélectionner généralement une centaine d’investisseurs premium parmi ce de premium, et donc, pour chaque dossier ou cas par cas, ce pool de premiums varie.

M : Alors, c’est ce qui explique… Parce qu’alors, il y a eu de petites plaintes sur le forum, alors, c’est l’occasion de t’en parler. J’ai des prêteurs français qui ont découvert Look & Fin, notamment sur crowdlending.fr, peut-être ailleurs aussi. Et, ils se sont inscrits sur Look & Fin, et ils étaient enchantés de pouvoir prêter, et ce n’est pas un seul, hein, c’est deux, trois ou peut-être quatre, et finalement, ils n’ont jamais réussi. Est-ce que c’est ça ? Est-ce c’est parce qu’ils n’ont pas été retenus en tant que premium sur les projets qui sont arrivés juste après, d’après toi ? Ou est-ce que, parce qu’il y a d’autres conditions, je ne sais pas, il y a des conditions autres, parce qu’ils n’ont même pas reçu de mail disant qu’il y avait un projet qui allait être en ligne, est-ce que c’est ça qui expliquerait ce, entre guillemets, « problème » ?

F : Alors, je ne sais pas précisément. Il faudrait que j’en sache un petit peu plus pour te répondre en détail et par rapport aux plaintes que tu as pu recevoir, ou aux critiques que tu as pu recevoir. Aujourd’hui, lorsqu’on lance un dossier, lorsqu’il s’agit d’un dossier qui est accessible à tout le monde, tous les membres de la plateforme reçoivent le mailing les avertissant qu’une souscription va être lancée dans les heures qui suivent. Lorsqu’il s’agit de dossiers premium, et bien, on prévoit cette période d’exclusivité, qui est généralement de 24 ou 48 heures, période durant laquelle, seuls les premiums qui ont été sélectionnés ont accès aux dossiers. Et donc, seuls ceux-là reçoivent l’e-mail qui les informe qu’il y a un dossier qui est en cours de souscription.

M : D’accord.

F : Mais maintenant, en toute transparence avec toi, notre challenge aujourd’hui, c’est pouvoir structurellement solutionner ce problème, c’est augmenter notre deal flow, et augmenter le nombre de dossiers, et également le panier moyen. Raison pour laquelle, on a récemment lancé un dossier de 400 000 euros dont on parlait tout à l’heure pour avoir une enveloppe plus importante pour pouvoir en faire profiter davantage les personnes.

M : D’accord. Mais juste pour rassurer nos prêteurs, vous êtes quand même intéressés par les prêteurs français, si les gens s’inscrivent sur la plateforme, ça vous intéresse malgré cela ?

F : Alors, on ne demande pas mieux !

M : D’accord. Donc, j’essaie d’avoir plus d’infos et j’essaie de revenir vers toi avec des infos ou des noms, et puis on pourra discuter de cela. Notamment, je vois que c’est Emrick qui a posé cette demande d’accès premium qui n’a jamais été retournée par Look & Fin, est-ce normal ? Donc j’essaie d’avoir de l’info auprès de lui pour qu’il nous en dise plus, et qu’on essaie de comprendre le problème. Voilà, juste, ce n’est pas une critique, mais…

F : On essaie réellement de pouvoir intéresser et de pouvoir en faire bénéficier un maximum de personnes. Voilà !

M : D’accord. En France, aujourd’hui, vous n’êtes pas IFP ?

F : Non.

M : Vous fonctionnez sous le système des bons de caisse si je ne m’abuse ?

F : Exactement.

M : Ça veut dire qu’aujourd’hui, vous ne rentrez pas dans la perte en capital. Tu vas me dire que vous avez un taux de défaut faible, mais on est d’accord là-dessus ?

F : Exactement.

M : D’accord. Sauf si la loi change prochainement avec les annonces d’Emmanuel Macron.

F : Les choses vont évoluer, et le bon de caisse qu’Emmanuel Macron appelle le mini bon va probablement devenir la compétence du CIP, donc, Conseiller en investissement participatif, dans les mois qui viennent. Alors, aujourd’hui, pourquoi est-ce que nous, on a adopté seulement ce titre de créance, le bon de caisse, cet instrument ? Pour la bonne et simple raison qu’en tant qu’IFP, on est limité, le prêteur est limité à 1 000 euros par dossier. Alors, la totalité des plateformes françaises, le panier moyen investi par le prêteur est inférieur à 200 euros en moyenne.

M : Oui, c’est ça. J’ai vu, c’est impressionnant d’ailleurs, je crois que c’est plus de 2 000 euros même, il me semble.

F : Donc, cette limite de 1 000 euros n’est pas réellement une contrainte puisque de toute façon, le prêteur peut investir, peut prêter dès 20 euros. Dans le cas de Look & Fin, le montant, le ticket minimum à investir est entre 500 et 1 000 euros, et le montant moyen est de l’ordre de 2 500, entre 2 500 et 3 000 euros. Et donc, pour pouvoir répondre aux besoins et à la demande de nos prêteurs, lui mettre une limite à 1 000 euros parce qu’on paie de l’IFP, c’est une vraie contrainte pour nos prêteurs.

M : Alors, justement, si on revient sur ces profils de prêteurs, ça veut dire que… parce que pour investir 2 000 euros sur un seul projet, si on veut diversifier un petit peu ses risques, peut-être qu’ils ne le feront pas chez vous, hein, mais ça veut quand même dire qu’il faut investir beaucoup en crowdlending ! Si on respecte la loi disant je veux encore diversifier mon patrimoine en investissant 10 % de crowdlending, ça veut dire que vos prêteurs, c’est plutôt… je me trompe peut-être, mais ça serait plutôt des gens avec de très gros patrimoines. Vous ne vous adressez pas à M. et Mme Michu, quoi !

F : Donc, aujourd’hui, enfin, notre positionnement, c’est un positionnement haut de gamme. C’est-à-dire que, notamment, ça se ressent pas mal avec cet aspect premium. L’objectif est encore d’augmenter le panier moyen emprunteur ou le porter en moyenne à 300 000 euros. On est aux alentours de 200 000 euros actuellement sur le premier trimestre. Concernant les prêteurs, forcément, on s’adresse à des personnes qui vont investir des montants plus conséquents que chez nos confrères français. Donc, ils investissent en moyenne comme je disais entre 2 500 et 3 000 euros par dossier, mais ils ont un portefeuille toujours en moyenne de l’ordre de 15 000 euros. Donc, oui, ils diversifient, et on les encourage à diversifier parce que c’est la clé de la réussite dans ce type d’activité en tant que prêteurs. Mais donc, ils diversifient sur en moyenne 6 dossiers, ils investissent en moyenne 6 fois 2 500 euros pour se constituer un portefeuille supérieur à 10 000 euros. Sachant que c’est une moyenne, et que certains prêteurs sont bien sûr exposés pour plusieurs centaines de milliers d’euros.

M : Et tu penses que 6 dossiers, ça diversifie un portefeuille.

F : Tout va dépendre de la qualité des dossiers. En private equity, les fonds dont je m’occupais précédemment, on essayait de se constituer un portefeuille d’une dizaine de lignes, donc, aujourd’hui, si le travail en amont est bien fait, de la sélection, au vu de notre taux de défaut actuellement, si on a une dizaine de lignes, on est assez bien diversifié.

M : D’accord. C’est intéressant ce que tu dis parce que moi, je pense que la diversification, elle sera au-delà de 100 – 200 prêts, hein. Je parle de la France aujourd’hui. Mais c’est aussi le chiffre qui a été annoncé par LendingRobot que tu connais certainement aux États-Unis, qui a fait l’analyse sur le Lending Club et Prosper. Et, il semblerait que la diversification optimale là-bas, c’est 114 prêts, quelque chose comme ça. En dessous de ça, ce n’est pas diversifié !

F : Tout dépend un petit peu du sous-jacent, donc de l’entreprise dont on parle. Il y a 2 secondes, je t’ai expliqué que notre stratégie était également d’augmenter notre panier moyen, ce qui veut dire qu’on s’adresse également à des entreprises qui ne sont pas, sans que ce soit péjoratif, le petit commerce du coin qui peut être la cible d’un Prosper ou d’autres plateformes en France. On cible des entreprises… Initia Food, par exemple, pour ne pas la citer, on l’a financée à concurrence de 400 000 euros. C’est une entreprise qui fait un chiffre d’affaires de l’ordre de 25 millions d’euros et qui a 20 % de part de marché en France avec des clients comme Leclerc, Carrefour, etc. C’est finalement, ça se rapproche davantage de l’émission obligataire que réellement de crowdlending. Et donc, je te rejoins. Sur des petits commerces où on structure des financements de 20 à 50 000 euros ou de 20 à 100 000 sur des petites entreprises entre guillemets « fragiles » ou en tout cas avec des assises financières limitées, il est évident qu’il va falloir diversifier peut-être 10 fois plus. Mais sur des entreprises aujourd’hui, quand vous souscrivez à émission obligataire d’une entreprise cotée, parfois vous mettez tous vos œufs dans le même panier et vous souscrivez uniquement à une entreprise. Donc, nous, on se situe entre l’émission obligataire de l’entreprise cotée en termes de stratégie d’investissement, et le petit commerce du coin où il faut une centaine d’entreprises comme tu le dis à juste titre pour être diversifié. Raison pou laquelle je te dis qu’un portefeuille de 10 a été un taux de défaut de 0,6 et un rendement moyen de l’ordre de 8,3 %, ce qu’on a réalisé à ce stade sur les 7 millions qu’on a structurés, c’est relativement bien diversifié.

M : Ce qui est intéressant, voilà, ce n’est pas une autre cause si on reçoit une vraie diversification… Je voulais dire une… je ne trouve pas le mot, en plus je vais dire de gros mots. Non, mais je veux dire, il y a une différentiation par rapport à la concurrence. On sent qu’en effet, vous fixez sur du premium, sur du panier moyen important, et avec en effet, des prêteurs plutôt premium avec un patrimoine investi assez important aussi. Pour autant, on ressent une vraie différentiation. Ça, c’est une évidence. J’espère pour vous que ce taux de défaut, vous le garderez et je le souhaite, parce que sinon, si j’ai prêté à 8 lignes et que j’ai mis 2 500 euros et j’en ai une qui plante, et bien, je ne suis pas bien, quoi.

F : Oui. Alors, c’est vrai. Quand je te dis 6 dossiers, c’est une moyenne. Pour la petite anecdote, il y a un prêteur chez nous qui a prêté aux 50 dossiers, donc, depuis le premier jour, il prête. Donc lui, pour le coup, il nous suit. Il investit son ticket sur chaque dossier, et donc, il est davantage diversifié. Mais il est évident que cette diversification, elle se construit également dans le temps. Aujourd’hui, on a un deal flow, on a 50 entreprises, donc si tu as pris 10 lignes sur les 50 qu’on a réalisées, donc c’est finalement pas mal par rapport aux opportunités aussi qu’on présente, en toute honnêteté. Donc, elle se construit dans le temps, et on doit augmenter ce deal flow, et puis la diversification, elle doit être aussi sectorielle et géographique. Sectorielle, on ne l’est pas, contrairement à d’autres plateformes qui sont spécialisées, par exemple, uniquement dans le renouvelable, les énergies renouvelables. Nous, aujourd’hui, on souhaite encore apporter une diversification multisectorielle. On couvre le plus de secteurs d’activité possible pour offrir cette possibilité de diversification sectorielle à nos membres, et puis on a également une diversification géographique, en Belgique et en France aujourd’hui, dans d’autres pays comme on en a discuté tout à l’heure à terme. Donc, il y a ces aspects là aussi de diversification. Donc, ce n’est pas seulement le nombre de dossiers, c’est également l’exposition sectorielle, l’exposition géographique, etc. Et donc, on construit aussi cette diversification, et on donne les clés à nos membres pour pouvoir essayer de diversifier autant que possible en volume, mais également en qualité, et notamment, avec ces aspects géographique et sectoriel.

M : D’accord. Très bien. Écoute, le temps tourne, 43 minutes déjà. D’habitude, c’est le contraire, je parle du marché avant de parler de la plateforme. Mais bon, vu qu’on était lancé… J’aimerais bien qu’on parle un petit peu du marché. Toi, ce que tu ressens dans cette évolution du marché, en tout cas, en Europe ou allez, je dirais hors Angleterre parce que j’aime bien les mettre un petit peu à part. Comment tu l’as vécu sur ces 4 dernières années ? Et puis, parce que finalement, le développement, tu l’as dit, tu l’as très bien dit pourquoi ça n’a pas été un développement effréné, qu’est-ce que tu penses du futur ? Est-ce que tu penses que c’est vraiment un marché qui va devenir énorme comme on peut le prétendre ou pas ? Ou, quels sont les risques d’après toi ? Voilà.

F : Alors, donc, nous, on regarde forcément surtout le marché néerlandais, belge et français, et si on zoome sur le marché français, c’est vrai qu’avec un peu de recul, je suis impressionné par l’attraction qu’on peut observer en France, parce que c’est un marché très jeune et qui finalement, maintenant, est un des marchés en Europe sur lequel on observe l’attraction et la croissance la plus importante. Donc, ça, c’est le contexte actuel, est-ce que ça va perdurer ? Certaines analyses, certaines études annoncent que le marché du crowdlending, uniquement le crowdlending, représentera environ 90 milliards d’euros à l’horizon 2020, et dont 10 milliards rien qu’en France. Moi, ce sont des chiffres qui ne m’effraient pas. Je pense que si on maintient la croissance telle qu’on l’observe actuellement, on atteindra ce type de croissance et ce type de marché. Je pense qu’en terme structurel, le marché va se concentrer sur un nombre limité de plateformes. On le voit déjà actuellement en France, avec environ 60 plateformes répertoriées, mais moins de 5, qui réellement, sortent du lot. Je pense que cette tendance va encore davantage s’accentuer. Je pense également que, surtout quand on regarde un petit peu, quand on s’inspire de ce qui se passe aux États-Unis, par exemple avec Lending Club, même si c’était un modèle peer-to-peer, un peu différent, je pense également que les institutionnels via des fonds d’investissement vont de plus en plus s’intéresser à ce type de financement, à cette alternative de financement, et investir au côté des particuliers. Je crois très fort à cette tendance-là. Par contre en termes de concentration de marché, je pense très clairement que très rapidement, donc à très court terme, et déjà dans les mois qui viennent, un certain nombre de plateformes vont périr ou quitter, pour finalement, observer une concentration du marché entre les mains d’un nombre très limité d’acteurs. On le voit déjà aujourd’hui, non seulement quand on observe les montants collectés par les plateformes, il y a peu de plateformes finalement qui ont dépassé le million d’euros à ce stade, une petite dizaine d’entre elles ont déjà été radiées de l’ORIAS, là depuis le début d’année. Donc, je pense réellement que cette tendance-là va s’accentuer.

M : Oui. Tu parles de quelques semaines. C’est exactement mon point de vue. Moi, je pense qu’on va avoir la mort de certaines plateformes dans les quelques semaines qui arrivent. Je trouve qu’on a des signaux en tout cas sur certaines. On verra si ça se vérifie. Mais j’espère en tout cas. Et si c’est le cas, j’espère que le marché ne se retournera pas, et qu’on n’aura pas d’un seul coup une peur de ce marché qui est en plein développement, quoi ! Après, s’il doit disparaitre, il disparaitra, c’est comme ça. Mais, je suis assez d’accord avec toi là-dessus. Et puis, de toute façon, en France, aujourd’hui, on doit en avoir 13 actifs peut-être. Il y en a encore une qui a fait son premier projet hier, donc… Deux même ! Donc c’est un nombre qui est bien trop important. Ça, c’est une évidence.

F : Par contre, je pense que, quand tu dis la mort du marché, je pense que c’est un fait. Pour moi, c’est une certitude. Le besoin de désintermédiation dans le marché bancaire, il est évident, et donc, cette tendance va continuer à se poursuivre. Si on regarde à nouveau uniquement le marché français, aujourd’hui 90 % des montants du financement des petites et moyennes entreprises proviennent des banques, avec toutes les difficultés. Donc, il y a réellement une situation de monopole. Il y en a même un monopole bancaire en France qui était, récemment en 2014, assoupli, qui est quasiment unique au monde, entre nous. Mais même dans les faits, que ce soit en Belgique, en Hollande ou dans d’autres pays européens, il y a réellement une situation de fait de monopole bancaire avec tous les inconvénients que ça représente, l’obligation d’octroyer des garanties, finalement une réactivité très faible des banques. Donc, ça va mettre plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour obtenir son financement, etc. Donc, je pense très clairement qu’il y a une tendance pour cette désintermédiation qui va encore se renforcer encore davantage. D’autant plus que du côté prêteur, on est dans un momentum où les taux d’intérêt sont très bas, et donc, c’est clairement, quand la plateforme fait convenablement son métier, et maitrise son taux de défaut, c’est clairement une alternative au placement traditionnel.

M : Je suis d’accord, mais aujourd’hui en France, on constate quand même un taux de défaut qui commence à être assez élevé, et avec une baisse des taux aussi sur les plateformes, notamment les plateformes à enchère qui font quand même baisser les taux en ce moment, qui fait quand même que c’est peut-être moins intéressant que ce qu’on imaginait, hein ! Donc, il faut aussi se méfier de tous ces aspects. Mais, tu le dis bien, il faut que la plateforme fasse bien son travail, et on en est tous convaincus, et j’espère que ça sera le cas à l’avenir. Ça, c’est une évidence.

Je rebondis parce que tu parlais de garantie, vous êtes sur le même modèle français, pas de garantie venant de nos emprunteurs ?

F : Non, pas de garantie. Donc, c’est vraiment du capital à risque, sans garantie.

M : Et, est-ce que vous avez mis en place des assurances, un fonds d’indemnisation, quelque chose, ou rien du tout ?

F : Non. On a regardé un certain nombre de mécanismes d’assurance, mais du fait que le marché est très jeune à ce stade, il n’y a pas de formule qui soit réellement satisfaisante, de notre point de vue. Et donc, pour l’instant, on n’a pas mis en place de solutions d’assurance. De ce fait, il y a une prime de risque, donc, le prêteur encourt une prime de risque qui est rémunéré aujourd’hui, qui est correctement rémunéré.

M : D’accord. Écoute, je pense qu’on va s’arrêter là. On n’a plus de questions. Je crois que j’ai répondu à tous. Je fais juste un petit tour d’horizon. Avez-vous d’autres questions cher public ? C’est le moment de les poser, sinon. Et, pas de questions ! Écoute Frédéric, il me reste à te remercier d’avoir accepté cette interview.

F : C’est moi qui vous remercie.

M : J’espère qu’on a répondu, en tout cas au public français, voir qui vous êtes. En tout cas, un projet intéressant à suivre. Et puis, je reviendrai vers toi pour voir les quelques cas de prêteurs qui ont essayé de s’inscrire, et qui n’ont pas forcément réussi. Donc, qu’on éclaircisse la question !

F : Volontiers ! Merci beaucoup, Mathieu.

M : Merci à tout le monde. Au revoir, et puis à très bientôt !

F : À bientôt, au revoir !

 

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