Comment le Royaume-Uni soutient son industrie du Crowdlending : un cas d’école pour la France

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Depuis le vote en faveur du Brexit, certains imaginent la France comme futur leader de la fintech européenne. Dans le cas du crowdlending, le chemin sera long. À ce jour en Europe, 85% des prêts Peer to Peer (P2P) ont été émis par le Royaume-Uni contre 4% pour la France et 3% pour l’Allemagne(1). De plus notre voisin britannique dispose d’un allié de choix dans la bataille pour le maintien de son leadership : les pouvoirs publics britanniques qui font preuve d’un dynamisme étonnant pour favoriser la croissance du crowdlending britannique.

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La British Business Bank aux côtés des plateformes de crowdlending

 

Très tôt le gouvernement britannique a vu d’un bon œil l’émergence des plateformes de crowdlending.

Dès 2014, la British Business Bank, l’équivalent de la Banque Publique d’Investissement au Royaume-Uni, s’engage financièrement aux côtés de la plateforme Funding Circle, un des leaders du crowdlending britannique. La British Business Bank confie ainsi 40 millions de livres sterling à Funding Circle afin de financer des prêts aux PME britanniques. A cette occasion, le Secrétaire d’Etat au Commerce de l’époque, Vince Cable, déclare

[les grandes banques] doivent être challengées par de nouveaux acteurs, les plateformes de P2P et d’autres fournisseurs (2).

A titre de comparaison, la BPI a attendu 2017 pour investir via Lendix(3,4).

 

Un cadre réglementaire flexible et adapté

 

La FCA, équivalent de l’Autorité des Marchés Financiers au Royaume-Uni, propose depuis 2014 un cadre réglementaire dédié au crowdlending et qui s’adapte à la taille des plateformes.

Par exemple les exigences en capitaux propres imposées aux plateformes de P2P sont fonction des volumes de prêts émis par ces dernières pour ne pas créer de barrières à l’entrée du marché(5). Du côté des prêteurs aucune limite d’investissement n’est imposée.

Ce cadre réglementaire bien accueilli par les professionnels du P2P a permis d’assurer une meilleure protection des investisseurs sans entraver pour autant le dynamisme du secteur.

 

Une fiscalité avantageuse pour les prêteurs

 

Alors qu’en France les intérêts perçus grâce au crowdlending sont soumis aussi bien aux prélèvements sociaux qu’à l’impôt sur le revenu, au Royaume-Uni, un dispositif fiscal original a été mis en place : le Innovative Finance Individual Saving Account (ISA).

Un ISA est un compte épargne très populaire au Royaume-Uni. Il permet d’investir jusqu’à 20 000 livres sterling dans diverses classes d’actifs sans être imposé. En 2015, George Osborne, alors Ministre de l’Economie, lance l’Innovative Finance ISA (IFISA)(6). L’idée est d’étendre le système de l’ISA au crowdlending afin de favoriser l’investissement dans ce secteur innovant.

Ainsi nos voisins britanniques peuvent investir jusqu’à 20 000 livres sterling sur les plateformes de crowdlending sans être imposés sur les intérêts perçus. Ce dispositif fiscal est encore en cours de déploiement car la FCA accorde au compte-gouttes les autorisations nécessaires à l’ouverture d’IFISA(7).

 

Et bientôt le crowdlending pour financer sa retraite ?

 

Cependant l’IFISA ne serait peut-être qu’un début. Après les comptes épargnes défiscalisés, les prêts P2P pourraient entrer dans les portefeuilles de certains fonds de retraites anglais.

Au Royaume-Uni, les épargnants ont la possibilité d’économiser pour leur retraite via des SIPP : Self Invested Personal Plan. Un SIPP permet au contribuable britannique d’épargner pour sa retraite de manière très avantageuse car les revenus investis et générés dans les SIPP échappent à toute taxation jusqu’au moment de la retraite.

Profitant d’un certain flou juridique entourant l’investissement des SIPP dans le crowdlending, plusieurs fournisseurs de SIPP proposent d’investir dans des plateformes de P2P comme Ratesetter ou Proplend(8). Des discussions sont en cours avec le régulateur britannique pour clarifier la réglementation des SIPP. L’enjeu est de taille puisqu’en 2016, 175 milliards de livres sterling étaient gérées par des SIPP. La levée des incertitudes juridiques pourrait assurer des perspectives de financement considérables pour les plateformes britanniques.

 

Un tableau à nuancer

 

Ce tableau reste néanmoins à nuancer. Le soutien au crowdlending par les pouvoirs publics suscite des inquiétudes Outre-Manche. Le régulateur britannique a d’ailleurs exprimé ses craintes dans une récente publication(9). Le fait d’intégrer les prêts P2P dans des ISA ou des SIPP peut laisser penser à l’épargnant que les prêts P2P sont aussi sûrs et liquides que d’autres classes d’actifs plus matures.

Certains spécialistes s’accordent sur ce constat à l’instar de John Spiers, ancien CEO de Bestinvest. Selon lui

Intégrer les prêts P2P dans un ISA confère une aura de respectabilité à quelque chose qui n’a pas été testé au cours d’un cycle de marché (10).

 

Côté français

 

En France le crowdlending n’est pas en reste avec notamment la loi Macron qui a suivi bon nombre des recommandations de l’association Financement Participatif France. Cependant les initiatives de notre voisin anglais, bonnes ou mauvaises, restent une source d’inspiration certaine pour la France.

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Sources :

1 AltFi Data: http://www.altfi.com/data/indices/EURvolume

2 Great Business.gov.uk: http://www.greatbusiness.gov.uk/finance-for-growth-peer-to-business-lending/

3 Les Echos – https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/0211961001270-bpifrance-monte-dans-la-plate-forme-de-prets-en-ligne-lendix-2078839.php

4 IT Espresso – http://www.itespresso.fr/co-financement-entreprises-lendix-bpifrance-154252.html#

5 FCA Review – https://www.fca.org.uk/publication/thematic-reviews/crowdfunding-review.pdf

6 Financial Times – https://www.ft.com/content/ca031c46-dcb6-11e5-827d-4dfbe0213e07

7 Financial Times – https://www.ft.com/content/fa0148b4f75f11e5803cd27c7117d132

8 4th Way – https://www.4thway.co.uk/guides/p2p-pensions-guide-tax-free-p2p-lending/

9 FCA Review – https://www.scribd.com/document/333731514/Fs16-13-FCA-Interim-Report-on-Crowdfunding#from_embed

10 Financial Times – https://www.ft.com/…/cdac892e-70b7-11e5-ad6d-f4ed76f0900a

6 réponses à “Comment le Royaume-Uni soutient son industrie du Crowdlending : un cas d’école pour la France”

  1. Teodoro

    BPI France a investi dans UNILEND, dès 2015, donc on ne peut pas dire que les autorités aient « tardé » à aider les plateformes de crowdlending:
    http://www.fusacq.com/buzz/la-plateforme-de-pret-unilend-realise-une-levee-de-fonds-de-8-m-a95086.html

    Connaît-on les taux de défaut sur les plateformes Britanniques? Et éventuellement expliquer les écarts avec les PF Françaises?

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  2. Jean-Damien Foata

    Merci Teodoro pour ce commentaire.

    La BPI a effectivement investi dans Unilend mais comme le dit votre lien cet investissement était dans le capital d’Unilend et non dans les prêts émis par Unilend. Ici je fais référence à l’investissement de la Bristish Business Bank dans les prêts originés par Funding Circle. Pour voir une transaction similaire en France, à ma connaissance, il a fallu attendre Lendix en 2017.

    Concernant vos autres questions, les statistiques les plus solides sur le marché UK sont publiées par Altfi.com. Voici le lien pour les statistiques UK : http://www.altfi.com/data/analytics

    Je prépare justement un article tentant de justifier les écarts de défauts entre les deux pays. Je serais heureux d’en rediscuter avec vous à cette occasion.

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  3. Teodoro

    Merci beaucoup pour votre réponse et vos précisions 🙂
    Et j’attends avec impatience votre prochain article sur la comparaison des défauts entre les deux pays !

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  4. Berty

    Il y a également des défauts de paiement outre Manche mais, d’expérience, ils sont moins importants.
    Je pense que la raison principale est que, sur la plateforme que je connais bien, LendingCrowd, 90% des emprunts font l’objet d’une caution des dirigeants et/ou d’une sûreté sur un élément d’actif.
    Encore une fois, cela n’empêche pas les dépots de bilan mais l’on constate que tous les efforts sont faits par les emprunteurs pour rembourser leur prêt à l’inverse des plateformes françaises où le crowdlending semble être la première variable d’ajustement pour les emprunteurs.

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  5. Patrick de Lendix

    Très bon article. Il y a aussi un mécanisme de franchise sur les intérêts qui fait que 90% des prêteurs ne sont pas taxés du tout sur leurs revenus du crowdlending.

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  6. Jean-Damien Foata

    @Berty : Concernant les garanties d’actif, en effet les plateformes britanniques semblent plus à même de demander davantage de garanties au Royaume-Uni qu’en France. Mais ceci s’explique par le fait que la concurrence bancaire sur l’aspect des garanties est moins forte au Royaume-Uni qu’en France. Les plateformes de P2P britanniques peuvent ainsi demander plus aux emprunteurs.

    Concernant les cautions de dirigeants et les « provision funds » au Royaume-Uni il semble que la FCA les a dans le viseur donc pas sûr que cela dure encore longtemps. Ce genre de pratiques peut cacher la vraie performance des plateformes. A ce sujet voici un article intéressant du Financial times https://www.ft.com/content/7280970c-be09-11e6-8b45-b8b81dd5d080

    @Patrick : merci pour votre commentaire. En effet j’aurais pu rajouter à la liste les franchises sur les intérêts.

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